Le créole à la CARICOM, plus sûr que le français

Le créole à la CARICOM, plus sûr que le français

Lorsqu’en 2013, le vice-recteur de l’UEH d’alors, M. Fritz Deshommes, fit un plaidoyer pour la proposition du créole comme CARICOM-Impkreyolune des langues de travail de la CARICOM, le gouvernement lui fit la sourde oreille et opta de préférence pour la recommandation du français. Ceux qui évoluent loin du train-train quotidien de la CARICOM avaient pensé que l’affaire était classée. Quelle ne fut pas leur surprise d’apprendre du Nouvelliste le 1er mars dernier qu’elle est loin de l’être. Après tout, cela fait déjà cinq ans que M. Martelly fit cette proposition. L’action proposée n’était pas sans débours: traduction en français des documents et des sessions. Très onéreux.  Il en résulta que l’adoption du français à la CARICOM ne s’est pas matérialisée en actions concrètes. Tel fut aussi le cas pour la demande similaire du président Moïse récemment à la réunion de la  CARICOM à Port-au-Prince. Robenson Geffrard nous dit : « Contrairement au souhait du président Jovenel Moïse, aucune résolution n’a été prise concernant l’adoption du français comme langue officielle de la Caricom, encore moins pour financer la traduction en français des documents. » Décidément la CARICOM entend faire faire le pied de grue au français.

En effet, la CARICOM qui est un bloc majoritairement anglophone n’a pas sauté de joie à la proposition. Donc le tapis n’y a pas été roulé au français. Si Haïti utilise un peu d’astuce, il y a fort à parier que la réception du créole serait plus chaleureuse. Les membres de la CARICOM sont pragmatiques.  Ils ne sont pas sans savoir que le créole est la langue qui jouit de la quantité la plus imposante de locuteurs dans le pays et, en fait,  dans tout le bloc. Ils savent aussi que malgré les divergences lexicales entre les créoles parlés par certains pays de la CARICOM, il y a quand même des points d’attache entre eux. D’ailleurs en 2011 et 2013 la proposition du créole comme langue de travail avait été déjà avancée par Sainte Lucie et la Dominique.

Récemment quatre académiciens de l’Akademi Kreyòl Ayisyen ont visité le Nouvelliste et se sont plaints du manque de ressources à l’AKA leur empêchant de surmonter leurs « innombrables difficultés », et du gouvernement qui traite l’institution en parent pauvre. Ils ont relaté aussi leur désir de voir le créole admis comme langue de travail à la CARICOM et ceci représente un « grand rêve » dont le président de l’AKA, M. Jean Pauris Jean-Baptiste voudrait voir la concrétisation.

En ce qui concerne le créole à la CARICOM, L’AKA rejoint ici le présent article, en préparation avant même sa visite au Nouvelliste. C’est une démarche à encourager. Son aboutissement peut paraître épineux considérant le climat pécuniaire austère qui sévit à l’académie mais le défi n’est pas impossible à relever. Les ressources sont disponibles mais il faut savoir les exploiter à ces fins nobles. Si l’AKA veut réaliser ce rêve, elle se doit de mettre en branle son instinct novateur. Pourquoi ne pas proposer à la CARICOM une démonstration de faisabilité que l’AKA elle-même financerait sur une période d’un an ?

L’obstacle de traduction des documents en créole peut être facilement contourné. Il existe un contingent assez substantiel de créolistes diplômés de la Faculté de Linguistique Appliquée (FLA) de l’université d’État d’Haïti (UEH), d’étudiants y terminant leur cycle d’études  et d’autres professionnels de la diaspora qui seraient disposés à traduire des documents. On pourrait même considérer ces travaux de traduction comme des stages pour les étudiants. Ces derniers travailleraient sous la supervision d’experts appropriés qui se chargeraient de valider leurs traductions. Dans un article paru dans le Nouvelliste le 21 juillet 2017, j’avais déjà suggéré une stratégie de traduction de documents qui nous permettrait de  conquérir notre indépendance linguistique. Je réitère cette stratégie dans mon ouvrage Endepandans Lengwistik ainsi que l’idée de récompenser ceux qui y auront contribué avec des décorations. Elle est applicable à cette proposition que l’AKA ferait à la CARICOM.

Il faut quand même un support financier pour tirer son épingle du jeu. L’AKA pourrait s’appuyer sur la diaspora où il existe des patriotes désireux de voir le créole gravir ces échelons qui lui permettraient d’être encore plus utile au pays. Aux États-Unis, au Canada,  et même en France, on retrouve un pourcentage assez important de compatriotes sympathiques au créole et qui seraient disposés à contribuer à l’exécution d’un plan précis, transparent, avec des échéances clairement spécifiées.

Les probabilités sont assez élevées que la CARICOM accueillerait avec enthousiasme une proposition d’étude dont les frais seraient pris en charge par le proposant lui-même. Cet enthousiasme serait alimenté en surcroît par les affinités linguistiques entre les pays de la CARICOM et la langue qu’on lui propose, dans un contexte postcolonial. Il y a donc mille et une raisons de charger avec  le créole au lieu du français. C’est le choix du présent et du futur. C’est aussi le choix le plus sûr.

MAPL

Leave a Reply

*

Catptcha Control *

Setting

Layout

reset default

Moderable web store