Eric Jean-Baptiste en campagne

Eric Jean-Baptiste en campagne

Eric-JeanbaptisteLe mardi 10 mai, l’animateur Valéry Numa du programme « Invité du Jour » de Radio Vision 2000 reçoit sur son plateau l’entrepreneur Eric Jean-Baptiste, candidat à la présidence. L’entrevue est cordiale et est marquée par le respect mutuel. Jean-Baptiste parvient à tirer son épingle du jeu façon admirable et laisse un bonne impression à l’audience.

Jean-Baptiste débute en présentant ses sympathies à la famille de l’avocat Gary Lissade décédé la veille. Il fait part aussi de ses sympathies aux familles des victimes des inondations qui ont ravagé divers endroits du pays où plusieurs morts ont été recensés. Il profite de l’opportunité pour faire allusion à son programme d’état d’urgence environnemental qui serait décrété au cours des premiers cent jours de son gouvernement.

D’entrée de jeu Numa relate de la stratégie à niveau double du propriétaire de «Pè Letènèl Loto». Il semblerait que ce dernier intervient différemment lorsqu’il opère au sein du G8 que lorsqu’il entre en action pour son propre compte en dehors du cadre du G8. Il n ‘y a rien d’anormal répond Jean-Baptiste puisque chaque membre de la structure ne s’est pas départi de son idéologie politique lorsqu’il s’était engagé à faire cause commune à l’encontre des élections frauduleuses. Il estime au contraire que le G8 est en train d’offrir une belle leçon d’unité à la population, car en ce qui le concerne, il respecte l’entente qui était convenue entre les membres. Ils sont unis et solidaires dans le contexte où cela est requis, mais chaque membre est libre de poser ses propres actions pour faire avancer ses intérêts particuliers dans la mesure où ces actions sont circonscrites dans l’aire de la concurrence loyale. Le modèle de cordialité adopté au sein du G8 est similaire à la cohabitation qui existe entre les armateurs de Loto. Une cohabitation pacifique ou plusieurs banques peuvent se partager une maison sans que cela engendre de la violence ni des actes répréhensibles ou des meurtres.

A la question de la nature du lien qui unit le G8, l’entrepreneur indexe illico la recherche de la vérité. Il salue l’initiative du président Privert à constituer le comité de vérification qui concrétisera cette poursuite et ceci en dépit de le volonté manifeste de certaines forces rétrogrades de l’international hostiles à cette démarche. Il note aussi qu’il y a un secteur de l’international qui est favorable à ce qu’on se penche sur le vote. Le G8 est motivé par la vérité, il est intéressé à savoir qui a vraiment gagné. Numa le presse sur la sincérité des membres du G8. Il se défend : la recherche de la vérité n’empêche pas à des membres de placer leur pions la où cela leur donne un avantage. Ce qui importe ce qu’ils ne le fassent pas au détriment de leur collègues en leur plaçant sous les pieds le proverbial « pelure de banane.» On place ses coups, Jean-Baptise n’en disconvient pas, mais il insiste que l’éthique n’en souffre pas. Il est d’accord qu’il y a eu de petits écarts mais en général le comportement des membres a été exemplaire.

L’animateur insiste cependant qu’il n’existe pas une seule vérité pour les partenaires qui sont au sein du G8. Chacun d’eux semble avoir à la sienne. A cela Jean-Baptiste rétorque que le G8 n’est vraiment pas en connaissance du classement des candidats et, à preuve, certains diplomates de haut rang continuent à demander un deuxième tour avec plus que deux candidats, ce à quoi la structure est farouchement opposé. Elle priorise la stricte adhérence à la constitution dont le vœu est : deux candidats au 2e tour. Mais Numa, entêté, poursuit implacablement sa ligne de questionnent sur le fonctionnement interne du G8, voulant savoir particulièrement s’il y a eu un exercice entre les membres dans lequel les candidats revendiquent une position quelconque dans le classement. Il n’en a pas été le cas, répond l’homme d’affaires, car cet exercice aurait tout simplement mis fin à l’existence du groupe. Cependant certains membres ont déjà concédé à la défaite, reconnaît-il ; il y a aussi une minorité qui n’a pas crié victoire mais qui continue à demander la vérité des urnes, et une autre minorité qui pense avoir gagné. Cependant ces attitudes n’émergent pas au cœur des discussions de la structure. Bien que le public cherche la petite bête et tente d’influencer le groupe a accuser cette attitude antagonique, il n’y arrive pas.

Numa a ainsi l’ouverture qu’il cherche pour introduire Moïse Jean-Charles dans la conversation. Il le fait sans détour. Comment comprendre la position du sénateur qui insiste qu’il a gagné dès le premier tour avec procès verbaux en main, demande-t-il de plein fouet. Jean-Baptiste essaie de se libérer de cette prise. Il parle de théâtre qui n’est pas vraisemblable, comme si le sénateur tentait sa chance, mais dans la réalité, la vérité reste ce qu’elle est, car il faut faire les choses de façon à « être pris au sérieux. » Il ajoute tout de suite qu’il n’est pas expert en procès verbaux et qu’il reviendrait aux autorités compétentes de faire la lumière sur les documents qui sont en possession du sénateur. Il essaie ensuite d’orienter la discussion vers le danger qui existe pour un candidat a être rétrogradé, car, dit-il, si un candidat qui était en première position se voit relégué a une position inférieure, cela signifierait ipso facto qu’il y a eu fraude en sa faveur et cela équivaudrait à une disqualification. Numa ramène la discussion sur Jean-Charles dont les procès verbaux ne seraient pas identiques a ceux du CEP, selon Arnel Bélizaire, et que selon l’ancien député il y aurait eu plus de ratures dans ceux du candidat. Jean-Baptiste est donc forcé de revenir sur le sujet et offre que le sénateur aurait du saisir les autorités de cette situation s’il était vraiment sûr de sa victoire. Le sujet intéresse Numa au plus haut point. Il introduit des remontrances qui étaient sensés être faites à Jean-Charles par ses coéquipiers sur ce sujet épineux. Il « s’était même fait tirer les oreilles au sein du G8 » avance l’animateur. Jean-Baptiste minimise le contentieux sur le sujet mais avance a tout bout de champ que ceux qui étaient d’accord avec les résultats publiés par le CEP ont bénéficié de fraudes. Mais pour Numa on aurait pu pallier a l’incertitude si tous les candidats avaient fait valoir leurs procès verbaux. « De quoi ont-ils peur », lâche t-il. Jean-Baptiste lui attend le moment opportun de présenter ses preuves. Il n’a pas peur, lui. Il estime aussi qu’on devrait vérifier tous les procès verbaux de Jean-Charles. Ouverture en or pour Numa qui demande quel serait le résultat si on détectait des fraudes dans les procès verbaux du sénateur. Jean-Baptiste prend la tangente en faisan allusion à la déclaration Michel Martelly en 2010 selon laquelle tous les candidats avaient fraudé. Mais il affirme qu’il n’en sera pas de même cette fois-ci. Eric Jean-Baptiste n’a pas fraudé, déclare-t-il péremptoirement. Il met ainsi en défi quiconque de prouver le contraire. L’accuser de fraude ferait tout simplement partie de la nouvelle stratégie d’éliminer les favoris dans leurs propres bastions. Puisqu’on ne peut plus faire le saccage des bureaux des favoris, par la violence, en y mettant le feu, on adopte un stratagème plus raffiné qui consiste a falsifier ses propres chiffres, de les enfler en vue de provoquer l’élimination de ces bureaux de la course. Il faudrait selon lui reconsidérer les procès verbaux mis en quarantaine, dans cette logique.

Numa tourne la logique à l’envers. Ne pourrait-on pas dire que vos partisans, dans les zones où vous êtes favori auraient tendance a frauder sachant qu’il ne serait pas vu comme une anomalie que vous gagniez avec un large écart dans ces zones en question ? L’entrepreneur ne démord pas de sa posture. Il a stimulé ses partisans à rester dans la légalité. D’ailleurs par un calcul judicieux de ne pas investir outre mesure il n’avait pas utilisé 7000 mandats. Son budget ne lui avait pas permis d’utiliser tous les 13000 mandats. Ces mandats lui sont restés et n’ont pas été distribués. Il a dépensé selon ses moyens et ne s’était pas appauvri pour la campagne. Cela est une preuve de bonne gouvernance qui offre déjà un indice de ce que sera un gouvernement Jean-Baptiste. Ce sera un gouvernent qui empruntera les bonnes méthodes des gouvernement précédents, par exemple « Ti koze anba tonèl » de Manigat pour tenir le peuple au courant de la gestion de la république. Il n’aura pas peur d’attribuer les bonnes réalisations aux gouvernements auxquels on les doit. Il mettra aussi à nu leurs méfaits en même temps. Par exemple l’aéroport François Duvalier doit à juste titre être attribué à Duvalier. Par contre la prison de Fort Dimanche du dictateur serait un mémorial qui aiderait a éviter de répéter les atrocités qu’il a perpétrées dans ce lieu.

Autre ouverture pour Numa qui enchaîne avec la question : êtes-vous clean ? Nécessairement, car Eric Jean-Baptiste n’a pas utilisé les fonds de l’état pour sa campagne et ses partisans n’ont pas fraudé. On peut détecter aisément les manœuvres systématiques de fraudes en analysant les votes de tous les départements et on verra les tendances pour tel candidat ou tel autre. Mais Eric Jean-Baptiste n’a pas fraudé, il ne s’est pas acoquiné avec des fraudeurs pour falsifier les votes, il n’a pas poussé ses partisans à frauder en sa faveur. S’il a fraudé d’ailleurs et qu’on ait la preuve, qu’il soit arrêté pour cela. Il estime de bon ton que Privert ait mis sur pied la commission de vérification qui va aider à mettre à nu les cas de fraudes mais il pense que Privert est en train de tergiverser sur la commission de vérification des crimes financiers. On ne saurait passer sous silence les méfaits du gouvernement précédent qui en quatre mois a dilapidé quatre vingt pourcent du budget alloué pour toute l’année. Privert est en train de ménager la chèvre et le choux. Il est absolument important qu’une investigation sous faite sur la disparition de ces fonds pour fixer les responsabilités, car le pays se trouve maintenant dans l’impossibilité de répondre de façon adéquate à toutes ces urgences qui sont en train d’émerger.

Numa demande à Jean-Baptiste s’il est toujours en campagne, car ses prises de positions ressemblent à ceux d’un candidat en campagne. Il répond par l’affirmative. Il est en effet toujours en campagne. Un homme politique l’est toujours. Il est dans une quête infinie de changer la perception du public sur ses motivations, son désir de faire avancer les intérêts de la nation. Il est campagne pour pour convaincre les gens qu’il faut le pays entre dans la modernité. On avait d’ailleurs approuvé sa campagne contre la MINUSTAH et le Choléra. Il est en campagne pour la vérité, pour ses convictions.

L’entrepreneur choisit de ne pas répondre à la question d’un partisan de Moise Jean Charles qui insinue que celui contrôle qui les BV, les BED et BEC et les juges de paix contrôle les élections. Il veut aussi éliminer la perception qu’il a des griefs personnels contre Jovenel Moïse. Il est l’un de nous, dit-il. Ses griefs ne sont pas personnels contre le candidat du PHTK. Il n’a jamais dit de le chasser de la course. Il a toujours dit qu’il faut se débarrasser des coquins. Il est en croisade pour la vérité, pour savoir ce qu’on a fait des deux milliard de dollars disparus avec le gouvernement. Il est concerné au plus haut point qu’on fasse la lumière sur cela. Mais il est déterminé que l’on se débarrasse de ceux qui ont triché et cela peut bien signifier le sénateur Jean-Charles ou n’importe quel fraudeur.

Numa veut savoir si Eric Jean-Baptiste irait au 2e tour à la place de Jude Celestin s’il était celui qui était classé en deuxième position. Le candidat Jean-Baptiste aurait eu le même comportement qu’il a eu au sein du G8, affirme-t-il. Rien ne serait différent.

L’animateur est persistent, il évoque des contradictions et hypocrisie latentes au sein du G8. Notamment un candidat de la structure qui le choqua en lui avouant qu’il aurait préféré s’allier avec Jovenel Moïse plutôt que de voir Jean-Charles être admis au 2e tour. Imperturbable, l’entrepreneur opine que chaque membre du G8 peut avoir ses préférences personnelles

On arrive a la question spécifique du travail de la commission et surtout de sa méthodologie de travail sur seulement quinze pourcent des procès verbaux aléatoirement choisis comme moyen principal pour épurer le vote des fraudes et de déclarer les éventuels gagnants. Une petite discussion s’ensuit sur le rôle de Dieu dans la nature aléatoire des choix. C’est comme dans la Loto, dit l’entrepreneur. Le choix ne dépend pas des hommes. C’est Dieu qui le dirige. Numa ne veut pas mêler Dieu dans les jeux de hasard mais il laisse Jean-Baptiste prendre le dessus optant pour faire avancer les lignes. Jean-Baptiste pense que la nature aléatoire de l’échantillon devra aider à arriver à la vérité si les quinze pourcent aléatoirement choisis se distinguent des quinze pourcent de la première commission. L’effet cumulatif de ces quinze pourcent ajouterait encore plus de poids au travail qui a été préalablement fait. Selon lui ces quinze pourcent seraient toujours aléatoire même si on exclut les premiers quinze pourcent de la population dans laquelle le choix sera fait. Il est prêt à accepter les résultats de cette commission. Il faut que la vie continue, pense-t-il. Il donnerait son soutien à Jude Celestin contre Jovenel Moïse si ce deux émergeraient vainqueurs. L’entrepreneur esquive la question de qui recevrait son soutien au cas ou Celestin et Jean-Charles seraient les vainqueurs. Il devra, dit-il, consulter leur programme et voir les affinités. Mais il ne croit pas qu’on arriverait à ce stade, dit-il. Il faut que le processus aboutisse, pense-t-il. Il est opposé à la stratégie de la table rase mais il faut avoir le courage de chasser les fraudeurs.

Analyse succincte :

Comme déjà indiqué, une belle entrevue qui met en relief les sensibilités de l’entrepreneur de Pè Letènèl et de son agilité à répondre aux questions d’un interlocuteur habitué à tirer les vers du nez de ses invités. La section la plus large de l’entrevue a cependant été dominée par un personnage qui n’y était même pas présent: Moïse Jean-Charles. Ce n’était peu-être pas l’intention de Jean-Baptiste mais Numa a orienté la discussion dans cette direction et Jean-Baptiste a été pris au dépourvu en quelque sorte. Un moment assez spectaculaire vint de Numa quand il exprima sa stupéfaction de l’opinion défavorable d’un membre du G8 envers Jean-Charles. Ce membre serait même plus sympathique à Jovenel Moïse que Jean-Charles. Jean-Baptiste a paré le coup de façon louable et n’en a pas été désarçonne. Mais il a un peu dévoilé ses batteries lorsqu’il insinua que Jean-Charles faisait du théâtre. D’aucuns diraient qu’il n’est pas favorable à une candidature Jean-Charles, car il se positionne clairement pour Celestin si ce dernier serait aux prises avec Jovenel Moïse mais il ne fait pas part de son choix au cas la compétition serait entre Celestin et Jean-Charles. C’est une stratégie certes de ne pas dévoiler ses préférences entre collègues d’une même structure mais l’entrepreneur va plus loin lorsqu’il dit qu’on n’en arrivera pas à cette éventualité (Célestin-Jean-Cahrles), donnant l’impression qu’il sait plus qu’il veut laisser croire. L’entrepreneur laisse entrevoir dans son discours que si Jean-Charles ne dit pas la vérité en ce qui concerne ses procès verbaux il devrait en payer les conséquences. Est-ce pourquoi son « on n’en arrivera pas là » pourvoie un surcroît d’information.

Malgré tout Jean-Baptiste ne contrôle pas le processus de vérification. Entre son désir de voir par exemple qu’on reconsidère les procès verbaux mis en quarantaine et une réelle reconsidération de ces procès verbaux (ce qui serait à son avantage) il y a tout un monde. Dans ce domaine il est à la merci de ce comité de vérification qu’il ne contrôle pas. Cette partie de l’entrevue est hautement suggestive et il n’y a aucune garantie que le comité le suivra sur ce sentier.

Les entrevues suscitent d’autres questions. Jean-Baptiste est toujours en campagne, dit-il. Ses multiples actes sont des actes de campagne, sa résistance contre la MINUSTAH en est un exemple, dit-il. La question est celle-ci : entre le patriote et le politique, qui a la prééminence ? Qui agit ? Est-ce que sa motivation est toujours intéressée ? Est-ce que tous les actes de Jean-Baptiste sont calculés pour faire avancer ses intérêts politiques. Il n’est pas certain que c’est l’impression que l’entrepreneur voulait laisser aux auditeurs. Malheureusement, ils ne peuvent s’en défendre. Cela est peu-être à rectifier dans une prochaine entrevue. Le public sera reconnaissant au patriote que le politique a un peu bousculé dans une entrevue autrement plaisante.

Marc-Arthur Pierre-Louis

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