
On est en 2013. Le Tribunal Constitutionnel de la République Dominicaine émet son infâme TC168-13 avec pour but de propulser dans l’apatridie les enfants des Haïtiens nés sur son sol. Un tollé monstre, vacarme assourdissant s’ensuivent. Le monde des droits humains est en émoi, les pressions montent sur le voisin de l’Est qui joue la politique de la montre. Flétri dans l’âme, je fais des recherches pour trouver le texte du jugement. Je ne déploie pas beaucoup d’efforts pour y parvenir. La décision est déjà en ligne sur le site du tribunal. Tout y est, même les opinions des juges dissidents. Tous les jugements émis par ce tribunal sont soigneusement catalogués, numérotés et indexés pour consultation en ligne. On sent la politique de numérisation de l’état en plein fonctionnement. Force m’est donc faite de réaliser que dans ce domaine, le voisin, une fois de plus, nous dépasse. Je fulmine contre un voisin qui nous humilie et qui nous est supérieur dans le numérique en même temps. Mais Haïti Numérique 2030 veut changer la donne.
Haïti Numérique 2030 est une initiative du Haitian Caribean Technology Council (HACARABTECH) Concile Technologique d’Haïti et de la Caraïbe. L’initiative se propose d’aider au développement et à la promotion de l’industrie technologique en Haïti. HACARABTECH « cherche à aider, à éduquer et conseiller les citoyens haïtiens et de la caraïbe grâce à des rapports de haute qualité, des conférences et séminaires de formation ». L’objectif est donc de numériser Haïti, c’est-à-dire, d’utiliser les technologies informatiques de façon optimale pour gérer tous les aspects de la vie en Haïti. L’organisation a été mis sur pied en 2014 par Henry Beaucejour. L’objectif est clair, louable, inspirateur, simple : numériser Haïti d’ici l’année 2030.
Dans le cheminement vers ce but stimulateur, le HACARABTECH veut reconnaître les pionniers du numérique en Haïti et les encourager à abonder dans cette même direction. Ainsi il organise une cérémonie pour les médailler à l’hôtel Royal Oasis le jeudi 28 Juillet. Sur la toile de fond de la numérisation du pays et ses regards futuristes sur l’an 2030, les organisateurs veulent partir du bon pied en honorant ceux qui ont milité dans le domaine et qui ont pavé la voie même à imaginer ce que sera le pays dans quatorze ans. L’événement fait salle comble. Il est de bon ton. Des personnalités importantes sont en premières loges: l’ancien ministre Nesmy Manigat, le député Jerry Tardieu, le Directeur Général de la Conatel Jean-Marie Altéma, Patrick Moussignac de Radio Télévision Caraïbes, Mario Andresol ancien Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti, Pattrick Attié, directeur de l’institut supérieur d’informatique Infotronique, le directeur de la Banque Centrale, le jeune économiste, Marc Alain Boucicault, Sheila Laplanche, Laurette Backer, pour ne citer que ceux-là. Ils sont tous honorés. Le feu Stéphane Bruno qui était prévu comme l’un des conférenciers reçoit un hommage, une plaque et certificat posthumes. Frantz Duval, talentueux éditeur en chef du Nouvelliste, Kesner Pharel, économiste de renom reçoivent leurs honneurs in abstensia. Divers orateurs parmi ceux qui sont honorés interviennent pour souligner l’importance de l’événement et des objectifs qu’il soutient. Les interventions de Tardieu, Manigat, Attié, Beaucejour, et de Jean Junior Joseph attirent particulièrement l’attention.
Le HACARABTECH pense à juste titre que le numérique est un levier de croissance pour le pays. Poser cette destination numérique est génial. On peut noter au moins quatre bénéfices majeurs qui peuvent en découler et qui seraient catégorisés sous la rubrique Haïti Numérique 2030.
1) L’initiative est génitrice d’idées. Elle est avant tout un rêve dans lequel peuvent s’imbriquer une constellation d’autres rêves. Le député Tardieu parle de son rêve numérique dans son intervention. Il n’est pas le seul à caresser ce rêve et tous ceux qui ont cette aspiration commune peuvent faire front commun pour que la lumière jaillisse du choc de leurs idées. En ce sens, même plus qu’une génitrice d’idées, plus qu’une facilitatrice d’idées, l’initiative crée un espace de circulation et de congrégation des têtes pensantes dans lesquelles fourmillent ces idées. Il revient donc à ces penseurs de s’organiser pour que leurs idées se concrétisent en actions réelles. Le HACARABTECH s’y engage en facilitateur mais le point de départ reste et demeure dans les idées. Cet élan visionnaire charrie un apport incalculable. Mais les idées ne sont pas la province exclusive des technologistes. D’ailleurs, il est souhaitable que les non technologistes soient des générateurs d’un contingent appréciable d’idées. Ce sont les idées qui mènent le monde et elles viennent de toutes parts. La numérisation est incomplète et inefficiente sans la contribution idéelle des non technologistes.
2) L’initiative introduit une échéance concrète. Le cap est mis sur l’an 2030. Cela est tout à fait clair, limpide. Les conditions sont réunies pour mettre en branle des activités qui déboucheront sur la numérisation du pays d’ici ou avant cette date. Une urgence est décrétée et elle doit motiver tous les acteurs qui ont la capacité d’intervenir. Haïti numérique 2030 priorise une démarche ascendante, car elle n’est pas dictée par le gouvernement mais ce dernier y a certainement sa place comme un catalyseur incontournable. Tous ceux qui rêvent de voir la technologie embraser le pays ont l’occasion et la fenêtre d’opportunité de poser des actions significatives qui nous aideront à atteindre ces objectifs. Le défi est de taille mais il n’est pas impossible à réaliser. L’ouverture se prête à toutes les possibilités pour réussir ce pari aux enjeux gargantuesques. Le rythme sera bientôt établi, le but est non ambigu, et il s’agit maintenant de s’engager crânement dans la voie qui nous est tracée.
3) L’initiative offre l’opportunité de solidifier nos bases. La numérisation n’est pas une fin en soi. Elle n’est pas articulée sur elle-même. Elle doit aider à améliorer la vie, solutionner des problèmes importants, critiques, de réaliser des économies colossales. Cependant on ne peut pas numériser sans ajuster en substance ce qui est logiquement déficient ou qui souffre d’un déficit d’une réflexion adéquate à sa base. Le vieux sigle GIGO de l’informatique vient à l’esprit ici : Garbage In Garbage Out. Si on y met des détritus, des détritus en sortiront. On ne peut pas numériser des détritus et espérer que cette numérisation les transformera en diamants. Voilà donc l’opportunité de revoir nos procédures, mécanismes de fonctionnement, de les optimiser, d’en éliminer les redondances, les débarrasser des temps morts, des inefficiences, des scories, les rendre plus logiques, plus sensés, d’en créer de nouveaux. Qui plus est, on ne peut pas numériser sans une infrastructure convenable. L’énergie et l’Internet à haut débit sont des a priori indispensables de la numérisation. Dans la session pour les jeunes offerte dans la matinée de l’événement je mets l’accent sur cet aspect de la question et indexe les trois principaux acteurs qui doivent collaborer pour la concrétisation de cette numérisation : l‘état qui doit mettre sur pied l’infrastructure nécessaire (électricité, Internet, sécurité), le secteur privé et la diaspora qui doivent a) ériger une infrastructure temporaire (des incubateurs d’idées où l’on a accès gratuit à l’électricité et l’Internet gratuit ou a tarif réduit) en attendant que l’état érige la sienne b) pourvoir le capital pour l’implémentation et la commercialisation des superbes idées émanant de nos jeunes entrepreneurs et qui solutionnent les problèmes liés à notre société c) mettre à la disposition de nos jeunes des moyens rapides de s’éduquer dans les technologies Internet, du Cloud et des applications mobiles pour créer une masse critique de jeunes avec les compétences nécessaires pour travailler à cette numérisation qui est impossible sans la participation massive de nos jeunes.
4) L’initiative lance la course. L’appel du HACARABTECH réverbère comme la fameuse déclaration de John Fitzgerald Kennedy en 1961 : « we choose to go to the moon » (nous optons d’explorer la lune). Cette déclaration allait aboutir à l’alunissage de Neil Armstrong huit ans plus tard et avait mis en mouvement l’imagination et les compétences des scientistes de la NASA pour que le « petit pas pour un homme » et le « bond de géant pour l’humanité » puissent être faits. Cette course vers la numérisation peut émuler cette euphorie américaine pour l’activation de nos forces créatrices en vue de faire atterrir, sinon alunir cette initiative ambitieuse. Il faudra penser grand, à la production de masse. L’individualisme devra céder le pas au collectivisme. Il faudra penser pays et non penser uniquement capitale. Il faudra penser des mouvements de la province vers la capitale et non seulement et à contre-cœur vice versa. Il faudra orienter ses pensées au-delà du domaine des rêves pour s’installer dans la réalité. Dans mon roman « Parlers à Paradoxes » le rêve s’est étalé comme suit : « Le département de génie logiciels transformera la vallée où l’institut est implanté en une vallée innovante comme la Silicon Valley en Californie. L’institut ne se reposera pas tant qu’il n’aura pas informatisé Haïti de la tête aux pieds, et sa devise sera : « Informatique partout et en tout, car tout est logiciel. » Le pays sera forcé de surnommer la vallée : la Vallée de l’Imagination. De partout, ils viendront contempler les merveilles de la Vallée de l’Imagination, foyer de la révolution de cette imagination qui embrasera le pays tout entier. » Voilà donc ce qu’offre l’initiative : l’opportunité de passer du romanesque au réel et de rester dans le domaine de la faisabilité. Haïti numérique 2030 sera une collection de villes de provinces numérisées à l’échelle avant 2030, St Marc 2026, par exemple. Les technologistes devraient penser dès maintenant et surtout pas demain à des stratégies de pilotage en dehors de la capitale pour la collection de données qui permettront d’ajuster la marche vers 2030. Il faudra des solutions originales, adaptées à notre milieu, factorisant nos limitations mais replètes d’intelligence et d’innovation pour y arriver.
Une application qui gère les motos taxis, avec laquelle on peut les commander à partir de chez soi avec la possibilité choisir celui qui a le meilleur palmarès ; une application qui permet de réserver un siège dans un autobus de la province et qui vous envoie chercher directement par moto taxi affecté à son service et l’autobus qui vous donne la possibilité de vous connecter à son Wi-Fi au cours du voyage et qui vous réserve automatiquement des motos taxis où autres à votre arrivée pour vous transporter à votre destination finale ; une application qui vous expose la liste des pharmacies de service au cours de la nuit et qui vous permet de commander des médicaments qui vous seront livrés directement par moto taxi et tout ceci dans l’espace d’une seule transaction ; une application qui connaît votre profil et vos préférences et vous donne la liste de restaurants en raison de proximité et en fonction du tarif des mets et vous donne la possibilité de réserver une place à dîner ; une application qui vous permet de trouver et de commander un produit dans l’un des magasins de la ville ou vous permet de consulter la liste des magasins qui offrent des produits similaires ; une application qui vous permet de consulter la liste des travailleurs de métiers informels et vous donne la possibilité d’en embaucher un pour un boulot ; une application qui vous permet de commander un extrait d’archives à partir de chez vous et qui vous avertit par SMS ou courriel que l’extrait est prêt ou vous le fait livrer soit par messager, soit par la poste ; une application qui vous permet de consulter une liste de médecins, d’avocats, et d’autres professionnels en fonction de leur spécialité ; une application simple et qui a une interface avec tous les systèmes de monnaie électronique du pays et vous permet de faire des emplettes partout dans le pays sans utiliser de l’argent physique ; une application qui gère les travailleurs de la numérisation appelés à guider la population dans l’utilisation des outils et des applications numériques ; une application qui permet d’inscrire un élève a un établissement scolaire et qui transfert automatiquement ses notes de l’ancien établissement au nouveau pour évaluation en payant les frais nécessaires et l’écolage sans se déplacer ; une application qui vous identifie biométriquement à l’aide de vos empreintes digitales ou vos prunelles et qui accède à vos informations vitales comme groupe sanguin et autres, numéro national d’identification et permet de certifier que vous êtes qui vous dites être, et qui peut servir de permis de conduire ; des applications qui prennent en compte le niveau d’éducation de la population et fournissent des interfaces imagées pour une meilleure navigation et une utilisation efficace ; une application qui, à l’aide de votre SIM, et votre mot de passe vous permet de consulter vos notes aux examens officiels; tout cela ne fait qu’effleurer les possibilités d’une Haïti numérisée.
Haïti Numérique 2030 est un éclair de génie. Elle cesse de tourner autour du pot. Elle va droit au but et nous force à nous constituer une feuille de route pour la numérisation d’Haïti. Elle ne nous cache pas que longitudinalement avec cette numérisation chevauche la croissance, l’opportunité de tout régler ou presque. Elle est certes prescriptive mais la description est sa force. Ainsi tous les concernés qui ont la capacité d’y contribuer peuvent commencer à agir. Le temps est à l’action. La rubrique est large et elle est engageante. Il y a de la place pour tout le monde, dans la mesure de ses compétences. Nous avons déjà raté deux trains rien qu’au cours de la deuxième décennie du 21e siècle, le train du séisme, et le train de l’apatridie de nos frères et sœurs en république Dominicaine qui auraient dû nous permettre de nous concentrer sur nous-mêmes, nous réconcilier avec nous-mêmes au profit de nous-mêmes. La numérisation peut être ce troisième train qu’il ne faut pas rater coûte que coûte. La numérisation du tribunal du voisin pour soutenir l’injustice ne nous causera plus de souci car nous aurions été plus loin, nettement plus loin. L’an 2030 n’est qu’à quatorze années d’ici.
Marc-Arthur Pierre-Louis
Déjà je vous souhaite bonne chance avec cette initiative combien vitale pour notre société haïtienne . Numériser dans une société où le niveau éducationnel est mediocre s n’ est pas une mince affaire . Je pense avec la dégradation du système éducatif ça ira quasi impossible malgré il y a un brin d’ espoir .
Haiti numérique 2030 devrait être unoutil efficace pour la bonne marche de la société haïtienne non pas un événement pour honorer ses petits amis comme c ‘ est déjà fait le 28 juillet 2016 des gens qui ne sont pas porteurs d’espoir technologiques ont été honorés alors d’ autres véhiculant des messages positifs sur des réseaux sociaux sont pas meme mentionnés . HN 2030 ne devrait pas avoir pour finalité exposer votre clan pour contrecarrer tous les projets technologiques de la prochaine decenie alors ce des brillants informaticiens meurent de faim parce qu’ ils ne sont pas de votre clan . à bon entendeur ………
Bonne chance
Douyon Wilkins ing. En informatique
Gestionnaire- comptable.
Merci Mr. Douyon. Je vais transmettre vos commentaires aux organisateurs.